Appel à communication thématique – GeCSO 2016
Atelier Transfert des Connaissances, traduction et langages
les 27, 28 et 29 juin à Paris (France)

[L’appel à communication en version PDF]

Dans la pratique le transfert des connaissances est intimement lié aux opérations de traduction, ce qui pose des problèmes de langage. Que ce soit au sein des grands groupes internationaux, dans les PME internationalisées, au sein d’équipes projets multidisciplinaires ou simplement au sein d’une activité professionnelle collaborative la question du transfert des connaissances pose des problèmes de traduction soit d’une langue source vers une langue destinataire soit entre cultures professionnelles différentes. Dans l’Atelier nous accueillons les recherches qui font de la traduction, avec cette acception large, une notion clé pour comprendre les enjeux, les perspectives et les limites, voire la faisabilité, du « Knowledge Transfer »

Le développement des connaissances dans le domaine des Sciences du Langage en relation avec la science de l’informatique (Computer Science) est substantiel, surtout depuis la pragmatique et ce qu’il est convenu d’appeler le « linguistic turn » Le Knowledge Management (KM) qui a de nombreuses racines dans bien des domaines académiques a assez largement ignoré celui de la linguistique et de la traductologie (« Translation Science ») (Welch et Welch 2008) Tout se passe comme si le langage était transparent, sans consistance, ou, pour reprendre une image élémentaire, comme les poissons qui ne voient pas l’eau dans laquelle ils nagent.

Le Knowledge management est une discipline académique relativement jeune (Dalkir 2013) (Ermine et al. 2014) et sa sémantique est loin d’être stabilisée (Hislop 2013) Pour baliser le terrain il est possible d’adopter une notion de transfert des connaissances qui regarde les obstacles qui s’y opposent (Carlile 2004) et qui intègre des éléments de la « Translation Science » ou Traductologie (Janssens 2004) (Holden 2004 ; 2015) voire de la « Cultural Translation »

Lorsque deux communautés langagières sont en présence, la barrière linguistique, la « Syntactic Boundary » de Carlile, qui ne met pas le sens des mots au premier plan, est un obstacle qui peut être levé par un processus de traduction classique. (Holden 2004  et que Maddy Janssens qualifie de mécanique.

Cette forme de traduction classique repose sur le modèle de base de la communication de Shannon et Wearver (1949) qui fait du message, de l’information, une réalité distincte, indépendante, des protagonistes (le receveur et la source) Ce modèle classique de la communication inspire une grande partie des travaux dans le domaine du KM. Ils font des éléments de connaissance une réalité objective indépendante qui peut être manipulée, stockée, transférée…  Selon cette optique que Hislop qualifie d’ « Objectiv-Based » le transfert des connaissances est de la même nature en KM et en traductologie car il est admis que : « …language has a fixed and objective meanings » (Hislop 2013 p:38)

Selon l’approche Practice-Basedthe meaning of language is inherently ambiguous…” (Hislop op.cit p:38) Les connaissances sont socialement construites et culturellement ancrées. Tout processus de traduction entre communautés langagières différentes se heurte alors aux « semantic boundaries» de Carlile. Selon Janssens la « Cultural » forme de traduction doit être mise en place. Le traducteur devient un passeur de connaissances dans la mesure où il peut prendre en compte la culture du destinataire (Xian 2008) (Haas 2015) (Ribeiro 2007) Steyaert et Janssens écrivent en 2015 « Translation in Cross-Cultural Management : A matter of voice » Et non pas « a matter of codification » !

Nous pouvons bien reconnaître avec Nigel Holden et Harald Von Kortzfleisch que le « …Cross-cultural knowledge tranfer is a form of translation… » (Holden et Von Kortzfleisch 2004 p : 128) Le choix d’une langue « corporate » ne suffit pas à assurer un bon niveau d’intercompréhension. Même si un lion parlait notre langue, nous ne pourrions pas le comprendre car son monde n’est pas le nôtre nous dit Wittgenstein.

Carlile ajoute un troisième type de barrière la « Pragmatic Boundary » Elle fait référence aux jeux de pouvoir. Les changements possibles induits par une innovation entraînent l’apparition d’intérêts divergents. Une « Political Approach » qui génère selon Janssens des « Hybrid texts » peut permettre de faire émerger des « commons interests » (Carlile 2004) (Callon 1996) Le langage introduit immédiatement des relations de pouvoirs, différentes des relations de pouvoir hiérarchiques (Heizmann et Olsson 2015)

Les barrières linguistiques qui apparaissent entre communautés langagières différentes et les barrières de connaissances qui apparaissent entre cultures métiers différentes sont-elles réellement des obstacles au transfert des connaissances ? La réponse n’est pas certaine, si on considère que les connaissances sont produites pendant le déroulement de l’activité professionnelle qui réunit autour de son objet des compétences multiples portées par des individus disposant de ressources issues à la fois de connaissances explicites et tacites et à la fois collectives et individuelles. (embrained, encoded, embodied, embedded ou encultured) (Amin et Cohendet p:34) Si l’on regarde les connaissances ‘en train de se faire’ « knowing » (Paraponaris 2014) alors ce qui apparaissait comme barrière pourrait bien devenir condition du déroulement de l’activité médiée par les pratiques discursives et les artefacts. (Engeström 2007) (Lorino 2014) Le développement de méthodologie de recherche de type Participatory Action Research pour enregistrer les pratiques discursives au plus près et regarder la construction et l’utilisation des artefacts in-situ devraient approfondir la relation entre traduction, transfert et génération des connaissances. Quelques questions :

  1. Knowledge Management et Sciences du Langage : une fertilisation croisée pour comprendre la nature du transfert des connaissances et la nature de l’acte de traduction.
  2. « Cross-Cultural Management » et KM.
  3. Barrières linguistiques et barrières de connaissances : comment améliorer l’efficacité des transferts de connaissances au niveau des entités que sont les individus, seuls ou en équipe, les organisations, les réseaux.
  4. Quels artefacts ? quelles médiations ? quels « boundary objects » pour « traverser » les frontières et pour faciliter la génération de connaissances nouvelles.
  5. La traduction, au niveau international ou d’une équipe projet locale et multidisciplinaire : un acte de communication ou un acte de transfert des connaissances ?
  6. Transferts des connaissances et traduction : des relations de pouvoir à analyser in-situ ?
  7. Transfert des connaissances et codification : intérêt et limites des langages formels des informaticiens.
  8. Faut-il parler de transfert des connaissances ou abandonner le modèle, souvent implicite, de Shannon ?

Modalités de participation: suivre les modalités de la conférence GeCSO 2016, en précisant la session thématique.

Bibliographie

Amin, A., Cohendet, P., 2004. Architectures of Knowledge: Firms, Capabilities, and Communities, First Edition edition. ed. OUP Oxford, New York.

Callon M, 1996. Some elements of a sociology of translation: the scallops and the fishermaenos Saint-Brieux Bay., in: Law J (Ed.), Power,Action and Belief: New Sociology of Knowledge. Routledge, London.

Carlile, P.R., 2004. Transferring, Translating, and Transforming: An Integrative Framework for Managing Knowledge Across Boundaries. Organization Science 15, 555–568.

Carlile, P.R., 2002. A pragmatic view of knowledge and boundaries: Boundary objects in new product development. Organization Science 13, 442–455.

Dalkir, K., 2013. Knowledge Management in Theory and Practice, Édition : 1. ed. Routledge.

Ermine, J.-L., Lièvre, P., Paraponaris, C., Guittard, C., 2014. Un état francophone du champ du management des connaissances : la communauté GeCSO. Management & Avenir N° 67, 56–77.

Heizmann, H., Olsson, M.R., 2015. Power matters: the importance of Foucault’s power/knowledge as a conceptual lens in KM research and practice. Journal of Knowledge Management 19, 756–769.

Hislop, D., 2013. Knowledge Management in Organizations: A Critical Introduction, 3rd ed. OUP Oxford.

Holden, N.J., Von Kortzfleisch, H.F.O., 2004. Why cross-cultural knowledge transfer is a form of translation in more ways than you think. Knowl. ProcessMgmt. 11, 127–136.

Holden, N., Michailova, S., Tietze, S., 2015. The Routledge Companion to Cross-Cultural Management.Routledge.

Janssens, M., Lambert, J., Steyaert, C., 2004.Developing language strategies for international companies: the contribution of translation studies.Journal of World Business 39, 414–430.

Lorino, P., 2014. From Speech Acts to Act Speeches. Collective Activity, a discursive process speaking the language of habits, in: Language and Communication at Work: Discourse, Narrativity, Organizing. François Cooren; Eero Vaara; Ann Langley; HaradimosTsoukas.

Ribeiro, R., 2007. The Language Barrier as an Aid to Communication.Social Studies of Science (Sage Publications, Ltd.) 37, 561–584.

Steyaert, C., Ostendorp, A., Gaibrois, C., 2011. Multilingual organizations as “linguascapes”: Negotiating the position of English through discursive practices. Journal of World Business 46.

Steyaert, C., Janssens, M., 2015.Translation in cross-culturalmanagement.A matter of voice, in: The Routledge Companion to Cross-Cultural Management.Nigel Holden, SnejinaMichailova; Susanne Tietze.

Welch, D.E., Welch, L.S., 2008. The Importance of Language in International Knowledge Transfer. Management International Review 48, 339–360.

Xian, H., 2008. Lost in translation? Language, culture and the roles of translator in cross-cultural management research. Qualitative Research in Organizations and Management 3, 231–245.