Session générale : Intelligences des organisations face au défi des incertitudes
Dans un monde profondément marqué par les défis du changement climatique, la recomposition géopolitique, les turbulences démocratiques et l’émergence rapide de technologies avancées (IA, biotechnologie, nanotechnologie, neurosciences), les données et les connaissances occupent une place centrale dans les dynamiques organisationnelles et sociétales. La capacité des organisations à créer, utiliser et transférer efficacement leurs connaissances est devenue un enjeu critique, influençant leur résilience et leur compétitivité. Ces connaissances ne représentent pas seulement un atout stratégique ; elles sont aussi une source de complexité. À l’ère des nouvelles technologies, des opportunités inédites émergent, mais elles s’accompagnent également de défis majeurs. Ces défis concernent autant la conception de dispositifs et de systèmes basés sur la connaissance que leur usage dans des environnements organisationnels complexes.
En ce sens, des pratiques clés de gestion des connaissances, la création, la rétention, la codification et le transfert des savoirs doivent être revisités. Par exemple, la création de connaissances, autrefois ancrée dans des interactions humaines directes, évolue avec l’essor des plateformes numériques qui réduisent les barrières géographiques mais amplifient les défis liés à la distance cognitive ; elle évolue également avec l’essor de l’intelligence artificielle qui multiplie les capacités de combinaison, élément clé de la création de connaissances. Par ailleurs, si la codification visait, historiquement, à formaliser et structurer les connaissances pour les rendre accessibles, l’intégration de ces connaissances dans des algorithmes et modèles intelligents complexifie cet enjeu. Enfin, le transfert des connaissances, traditionnellement centré sur l’échange humain, exige désormais des dispositifs technologiques capables de contextualiser et d’adapter les savoirs à des environnements diversifiés.
Cet appel à communication invite à une réflexion interdisciplinaire sur les défis et les transformations auxquels font face les environnements organisationnels complexes. Il vise à articuler des perspectives théoriques et pratiques pour mieux comprendre comment les systèmes technologiques et les outils de gestion des connaissances transforment non seulement les dynamiques organisationnelles, mais aussi les pratiques de création, de partage et d’utilisation des savoirs. Ces réflexions doivent également éclairer les impacts de ces transformations sur les processus décisionnels et, plus largement, sur la société dans son ensemble.
Session 1 : Résilience organisationnelle et gestion des connaissances
La résilience, définie comme la production de résultats positifs face à l’adversité, est devenue un sujet clé dans les recherches en management (Raetze et al., 2022). La littérature en management s’intéresse de plus en plus à la résilience proactive (Duchek, 2020), qui, contrairement à la résilience réactive, implique une gestion à court terme d’événements adverses, pendant leur incubation ou dès leur survenue (Duchek, 2020 ; Hillmann \& Guenther, 2021). Ce type de résilience repose sur la capacité à gérer des situations complexes, ambiguës et incertaines en leur donnant du sens et en y apportant des réponses appropriées non totalement prédéfinies (Williams et al., 2017 ; Hillmann et Guenther, 2021 ; Rouby et al., 2023).
Or, l’incertitude de ces situations pose des défis significatifs, exigeant que les individus soient préparés (Raetze et al., 2022). L’apprentissage devient alors essentiel au développement de la résilience proactive (Tasic et al., 2020 ; Sutcliffe \& Vogus, 2003). Cependant, le lien spécifique entre apprentissage et résilience proactive reste peu exploré, notamment en termes de rôle, défis, obstacles, et modalités pratiques (Hillmann \& Guenther, 2021 ; Hepfer \& Laurence, 2022).
Session 2 : Organisation, incertitude et gestion de crise
L’idée de cette session est d’ouvrir le débat sur ce qui fait crise. Sur la base du postulat largement accepté qu’il n’existe pas de crise en soi, mais plutôt des définitions et des positionnements par rapport à des approches normatives, l’enjeu est de discuter des ressorts de la crise et de les rattacher, notamment, au caractère hyper-organisé de nos sociétés (organocène) et aux difficultés qui en découlent en termes de partage de connaissances, de coordination et de prise de décision. Une hypothèse forte étant que l’incertitude que l’on associe souvent à la crise tient moins aux phénomènes qui surviennent qu’à cette complexité organisationnelle. Notre approche s’inscrit dans une perspective constructiviste de la relation environnement/organisation.
Session 3 : Gestion des savoirs traditionnels
Le champ des domaines professionnels qu’on peut appeler « traditionnels » (car hérités de la tradition), comme les métiers du patrimoine, les métiers d’art, certains métiers artisanaux, agricoles, culinaires, certains savoirs autochtones, etc., ont été peu abordés par le domaine de la Gestion des Connaissances. Pourtant, il représente, dans beaucoup d’endroits, un important enjeu économique, social et culturel.
Depuis quatre ans, l’AGECSO organise une réflexion sur les savoirs traditionnels à travers des sessions spéciales dans ses colloques annuels et des workshops en région Nouvelle-Aquitaine. En 2025 va paraître un livre de référence sur le sujet compilant les principales réflexions issues de ces séminaires.
Session 4 : Écosystèmes de connaissances et technologies : opportunités et limites
Les écosystèmes de connaissances, définis comme « constitués d’utilisateurs et de producteurs de connaissances, organisés autour d’une recherche conjointe de connaissances » (Järvi et al., 2018, p. 1524), rassemblent des acteurs interconnectés mais autonomes, engagés dans la création, le partage et l’intégration de savoirs (Cobben et al., 2022). Contrairement aux écosystèmes d’affaires centrés sur des interactions commerciales, ils valorisent l’amélioration continue et la mise en commun des ressources dans une dynamique de coopération et d’apprentissage collectif (Clarysse et al., 2014 ; Attour et Lazaric, 2020).
En ce sens, l’essor des nouvelles technologies, renforce leur capacité à coordonner des systèmes diversifiés en facilitant l’échange et l’exploitation de données via des outils comme les plateformes numériques ou l’intelligence artificielle (Baldwin \& Clark, 2000 ; Gawer, 2014). Cependant, des obstacles demeurent, notamment liés à l’interopérabilité entre systèmes propriétaires ou à l’absence de normes communes (Jacobides et al., 2018). Ces défis sont accentués par les enjeux éthiques, tels que la transparence, la confidentialité et les biais algorithmiques, qui appellent à des solutions technologiques responsables et inclusives (Adner, 2017 ; Parker \& Van Alstyne, 2017).